« Très bientôt, le dictateur Touadera désenchantera » – Armel Sayo


Officier supérieur des Forces Armées Centrafricaines, et plusieurs fois ministres, Armel Sayo, a repris le chemin du maquis. Dans un entretient exclusif accordé à Centrafrica, le 29 Novembre 2024, le Chef rebelle explique les raisons de son initiative. Ses actions sur terrain. Sa visionà la tête d’une coalition militaire qui ambitionne, la chute du régime de Touadera.

Armel Sayo, Bonjour ! Vous êtes le Président de la Coalition Militaire de Salut du Peuple et de Redressement (CMSPR). Un mouvement de groupes armés luttant contre le Pouvoir de Bangui. Pourquoi avoir repris le chemin du maquis après l’avoir quitté, et désarmé une partie de vos troupes après les accords de Khartoum en 2019 ?

De prime abord, je vous remercie pour le privilège que vous m’accordez. Le maquis s’est imposé à nous, et ceci, au regard de la triste réalité socio-économique que traverse notre pays sous le régime de Touadera. Pour rappeler la mémoire de l’histoire, nous avons toujours marqué notre fervente volonté aux différents processus de paix dans notre pays.

Cet engagement est justifié par le processus de Démobilisation, Désarmement, Réinsertion et Rapatriement (DDRR), par lequel nous avions désarmé une partie de nos anciens compagnons de lutte. C’est plutôt Touadera qui a choisi la voix de l’exclusivité, en prenant en otage le processus de paix et le pays. C’est une trahison ! C’est donc ce principe d’exclusivité qui nous impose le maquis, et non le contraire.

Hier, allié de Faustin Archange Touadera, vous avez été pendant 2 ans un de ses ministres. Aujourd’hui, vous le combattez, dénoncez une situation chaotique, et vous l’accusez de trahison. N’êtes-vous pas comptable de cette situation que vous décriez, pour avoir été son allié pendant la moitié de son 1er mandat ?

Ah non ! Nous ne sommes pas comptables d’un Président qui n’a aucune volonté politique, et qui ne respecte pas ses engagements. Nous avons été invités au gouvernement sur la base de nos promesses de paix, de désarmement, et de suivi du processus démocratique qui était notre feuille de route.

Mais il se trouve que l’un des antagonistes, toute partie prenante, se décide de tout violer. Nous ne pouvons pas être comptable de son échec, étant donné que tous, nous connaissons le pouvoir d’un Président dans un régime présidentiel. Comme d’autres, nous n’avons aucune part dans l’échec que la République subit aujourd’hui.

Nous pensons que le peuple nous observe, et que l’histoire retiendra que Touadera seul, dans son choix d’exclusion, a fait dérailler le processus de paix, ainsi que le processus démocratique.

Aujourd’hui, vous êtes à la tête d’une coalition militaire contre le Pouvoir de Bangui. Quelles sont les actions concrètes menées par vos forces sur le terrain ?

C’est tout d’abord, la sensibilisation auprès des populations dans les différentes localités du pays. Leur annoncer notre lutte qui est une lutte de libération.

À cela se rajoute, des actions sur terrain, tel que ce fut le cas le weekend dernier dans le nord sur l’axe Kouki. Il y a eu un front opposant nos forces spéciales, aux forces gouvernementales coalisées, mettant en débandade ces dernières.

Vous revendiquez donc officiellement cette attaque ?

Absolument ! L’envergure de nos actions s’étendra jusqu’à la chute de ce régime, à savoir le départ de Touadera. Il y a eu des soubresauts laissant entendre que les forces du CMSPR ont pris la poudre d’escampette à l’arrivée des forces coalisées. C’est tout à fait le contraire. Renseignez-vous bien auprès des populations et des organismes de la région.

Nous n’avons pas voulu toucher aux FACA, parce que c’est mon corps de métier. Alors, par principe, je ne voudrais pas qu’il leur arrive quoique ce soit, parce qu’ils agissent par principe professionnel. L’armée doit être apolitique et servir quiconque est aux affaires.

Malheureusement, Touadera a fait de notre armée, une armée clanique. Nous avons laissé des consignes pour qu’il n’arrive quoique ce soit aux FACA. Notre lutte s’adresse personnellement à Touadera et sa clique que nous devons éradiquer.

Pour les FACA, ceux qui s’en sentent capable peuvent nous rejoindre. Ceux qui ne s’en sentent pas capable, n’ont qu’à simplement baisser la garde, et attendre de se remettre à nous. Ensemble, nous reconstruirons la nouvelle République.

Est-ce que cela voudrait dire que vous avez des soutiens au sein des FACA ?

Comme je l’ai réitérer, c’est mon corps de métier. Et vous savez, l’armée c’est la grande muette. Nous n’avons pas besoin ici d’impliquer ou non l’armée. Ce qu’il faut retenir de la mémoire de l’histoire : où avez-vous vu un militaire combattre son frère d‘armes ? À bon entendeur salut !

Ils n’ont qu’à le comprendre comme ils veulent. Mais quand Monsieur Sayo sera aux portes de Bangui, Touadera réalisera que même ses requins rejoindront le président Sayo que je suis.

Certaines voies du pouvoir disent que vous recrutez des mercenaires étrangers, que vous seriez soutenu par des hommes politiques et une puissance étrangère ?

C’est une distraction dont je me moque. Cela prouve que les dirigeants méconnaissent l’histoire et les réalités de notre pays. Ils n’ont qu’a démontrer par A+B qu’il y a des mercenaires parmi nous. Aujourd’hui, Ce sont les mercenaires de Touadera qui font souffrir les Centrafricains.

Nous sommes des professionnels, et je puis vous rassurer qu’il n’y a aucun mercenaire parmi nous.

Ce sont des dignes fils du pays qui ne sont pas à meme de supporter l’injustice qui prévaut, et qui se sont concertés et mobilisés. Et sous mon commandement, nous nous réorganisons et agirons fidèlement, efficacement, et loyalement pour défendre cette nation.

Mais vous étiez signataire de l’accord de Khartoum avant de vous faire débarquer du gouvernement 2 ans après. Qu’est ce qui n’a pas marché entre vous et le Chef de l’État ?

Nous étions engagés sur la base d’un processus de paix, dit accord de Khartoum, entérinés par sa signature en février 2019 à Bangui. Les dispositions de cet accord stipulaient clairement la mise en place d’un gouvernement de large ouverture, communément appelé gouvernement d’union nationale. Ceci, sur des principes participatifs afin de préserver l’intérêt suprême de la Nation.

C’est à dire que nous étions engagés ensemble dans l’exécutif pour veiller à la mise en œuvre dudit accord, et non, engagés à la solde de la formation politique du président Touadera. Alors, il se trouve qu’une fois au sein de l’exécutif, seuls ceux qui partagent la vision du Mouvement Cœurs Unis (MCU) comme alliés de Touadera sont entendus. Telles n’étaient pas les clauses de notre engagement.

Un administré de l’État est engagé dans ses responsabilités publiques à défendre les causes républicaines. Notamment, les dispositions de l’accord qui nous engage. C’est tout le contraire avec Touadera, qui a du mal à faire le distinguo, entre ses hautes fonctions de l’État et son parti politique. Vous savez, de par ma formation d’académicien militaire, je suis un homme de principe. Dès lors, que ces derniers sont biaisés, alors je m’obstine. C’est clair !

Touadera n’a aucune perspective d’avenir pour le peuple. Avec lui, c’est tout pour le MCU et ses alliés. Cette triste réalité va à l’encontre de l’intérêt général. En conclusion, il nous fallait une décision Républicaine orientée vers la sauvegarde du patrimoine national.

C’était l’objet de ma candidature aux élections législatives et présidentielle en 2020. Ce qui a couté mon retrait du Gouvernement. Je m’en estime heureux d’ailleurs, pour ne pas être aujourd’hui comptabilisé dans leur échec. Aujourd’hui le temps nous a donné raison.

Dans vos textes, l’un des objectifs de votre coalition (CMSPR) est la mise en œuvre d’une « politique nationale inclusive de Sauvetage ». Selon vous, la Nation Centrafricaine serait donc en péril et aurait besoin d’être sauvée ?

Il ne faut pas nous faire un procès d’intention…Pourquoi dire selon nous ? C’est une réalité. La RCA est un pays sinistré depuis des décennies sur tous les points. Nous avons besoin de sauver ce pays sur tous les plans, à savoir économique, sécuritaire et social.

La misère qui règne en Centrafrique va au-delà de l’entendement humain. Le pays a besoin d‘une bouffée d’oxygène pour tout changer parce qu’il a manqué de bonne gouvernance pendant longtemps.

Nous tâtonnons. Nous allons de gouvernement en gouvernement. De régime en régime. Aujourd’hui nous avons besoin de paix, et d’une réelle volonté politique animée de patriotisme. Le pays est dans un désastre économique et social. Il nous faut une nouvelle gouvernance. Tout est à refaire dans ce pays.

Et vous pensez pouvoir incarner cet homme capable de sauver la Nation ?

Oui. C’est par notre vision que nous pensons être ce leader capable, car pour diriger un peuple il faut une dose de patriotisme, de volonté politique, et notamment, une vision claire.

Notre vision est la restauration de la dignité du peuple centrafricain. L’engagement total des centrafricains à transformer leur vie en vue d’un avenir meilleur. En portant cette vision, et en nous battant avec les armes patriotiques, nous pouvons y arriver.

Vous pensez donc que le Président Touadera manque de patriotisme ?

Totalement.

Les FACA montent en effectif et en armement, et sont épaulées par leurs alliés Russes et Rwandais. Vos forces font-elles le poids ? Ne serait-il pas plus judicieux d’opter pour une solution politique ?

En matière militaire, tout ne s’étale pas sur la place publique. On ne dévoile jamais son plan. Je suis un militaire de carrière, et je parle en connaissance de cause. Nous n’avons pas à étaler notre puissance de frappe.

Nous sommes en guerre contre un régime qui maltraite, massacre et asphyxie notre peuple depuis bientôt 10 ans. Sachez-le, un peuple déterminé ne peut perdre face à une quelconque puissance de feu. Le pouvoir et la force dans la cause d’une lutte de libération a toujours été du côté du peuple.

Nous sommes non seulement l’émanation du peule, mais également, aux cotés de ce peuple exaspéré. On peut ignorer notre puissance de frappe, mais nous sommes avec le peuple, et le peuple se battra avec nous.

Dans l’histoire des guerres, aucune alliance étrangère n’a remporté la bataille sur des territoires ancestraux. Aucune ! Si Touadera entend ignorer cette réalité historique, alors la réalité le rattrapera certainement. Je vous rappelle une citation d’un digne fils de ce pays.

« Le mensonge gravite à vive allure, mais à la croisée des chemins la vérité lui infligera une correction méritée » dixit le président feu Ange Félix Patassé».

Si Touadera est sage, qu’il commence à emballer ses bilokos comme on le dit à l’armée, et qu’il organise son départ. Nous nous battons avec nos moyens, ainsi qu’avec la Grâce et la volonté divine. Nous n’avons donc aucune crainte pour notre victoire finale.

Vous demandez le départ du Président Touadera, mais quelles sont vos relations avec lui aujourd’hui ? Est-ce que vous vous parlez afin de trouver un compromis pour faire taire les armes ?

Nous pensons que Touadera a perdu toute crédibilité. Il n’est plus digne de diriger ce pays, et nous n’avons aucun lien direct avec lui. C’est un danger et un véritable poison pour notre pays.

Nous nous mobilisons sur le terrain sur tous les plans politiques et militaires pour que le peuple centrafricain soit libre. Nous n’avons pas besoin d’une quelconque négociation avec lui.

La lutte est une question de rapport de force en permanence. Ce rapport de force passera forcément du coté du peuple. Aujourd’hui, le dictateur pense être en position de force, mais nous pensons que très bientôt, il désenchantera.

Celui que vous qualifiez de dictateur sera certainement candidat à la présidentielle en 2025 pour un nouveau mandat à la tête de l’État. Du moins, la nouvelle constitution lui en donne le droit. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Je ne suis pas dans des considérations électorales avec Touadera. Le dictateur continu sa vision de dictature, et nous, nous continuons note mission salvatrice pour notre patrie. Voici la logique dans laquelle nous sommes.

Quel message souhaiteriez vous faire passer à vos compatriotes ?

C’est un message d’espoir que nous voulons envoyer au peuple centrafricain. Nul ne délivrera et développera notre pays en dehors de nous-même. Le pays va mal, et nous allons de mal en pire.

Aujourd’hui, sous Touadera, plus de Prime Globale Alimentaire (PGA) pour les militaires en mission, alors que leurs alliés Russes et Rwandais, se sucrent sur le dos de nos frères d’armes. Sous Touadera, la misère est au sommet de notre pays.

Sous Touadera, la cohésion sociale et nationale nous ont quittés. Sous Touadera, nous connaissons la tyrannie. Sous Touadera, les centrafricains sont privés de liberté d’expression, et de liberté d’exercice démocratique. La RCA tourne en rond sous Touadera.

J’invite le peuple centrafricain à la cohésion, et à l’unité dans ce combat. Que vous soyez paysan, ouvrier, politique, syndicaliste, jeunes ou personnes âgées. Centrafricains, centrafricaines, debout pour la liberté.

À tous nos compatriotes, du nord au sud, de l’est à l’ouest, au centre et dans la diaspora, ensemble levons nous, et mettons fin à cette mascarade. Arrêtons cette catastrophe politique.

Armel Sayo, Merci !

C’est nous qui vous remercions.



Source: centrafrica.com

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